Le Népal est un royaume (du moins à l'heure où nous écrivons) qui ne suscite que peu d'intérêt aux yeux des "grands" de ce monde. Niché au pied de l'Himalaya qui constitue sa principale richesse, seuls les alpinistes et les routards qui viennent y chercher le nirvana ne le confondent pas avec son voisin tibétain, largement plus médiatisé.
Cependant, sa position géographique, qui le place en sandwich entre l'Inde et la Chine, fait de ce pays un élément d'importance pour comprendre les enjeux géostratégiques régionaux. Et la rébellion maoïste qui a débuté en février 1996 en est le parfait exemple: l'Inde, comme la Chine et même les Etats-Unis, ne sont pas restés de marbre devant le spectre communiste et leur intervention dans le conflit, si elle n'a pas fait la Une des journaux, n'en a pas moins été significative À de nombreux égards.
Jusqu'au XVIIIe siècle, le Népal n'était qu'une mosaïque de micro-états créés par des mercenaires luttant les uns contre les autres pour la domination de la région et c'est sous l'impulsion de Prithvi Narayan Shah, qui procéda à une vaste campagne de conquêtes, que l'unification du pays commença. Celle-ci fut poursuivie par ses descendants durant toute la première moitié du XIXe siècle, moment où le Népal acquis (à quelques détails près) ses frontières actuelles.
La dynastie des Shah ne put néanmoins conserver longtemps le pouvoir: une révolution de Palais menée par Jang Bahadur en septembre 1846 permis à la famille Rana de prendre en main les rênes du pouvoir et d'instaurer une véritable dynastie de Premier ministre qui régna sans partage sur la scène politique pendant plus d'un siècle. Si les Shah conservaient leur titre officiel de roi, ils ne furent plus que des marionnettes aux mains de leurs Premiers ministres.
La fin de la seconde guerre mondiale et l'accession à l'indépendance des nombreuses colonies européennes (en premier lieu desquelles l'Inde), sonnèrent le glas du régime rana. Le 18 février 1951, le roi Tribhuvan, aidé de l'Inde, fit un lal mohur (littéralement un "sceau rouge", i.e. un édit royal) qui mit fin au pouvoir héréditaire des Rana et réinstaura la primatie de la dynastie Shah au Népal.
Le roi Tribhuvan est considéré, à juste titre, comme le père de la démocratie au Népal car en accédant au trône, il annonça qu'il était déterminé à ce que "le gouvernement de notre peuple soit dorénavant dirigé en accord avec une Constitution démocratique, préparée par une assemblée constituante, élue sur la base du suffrage universel direct". Mais cette démocratie fut de courte durée : le roi Mahendra, qui succéda à son p&eagrave;re, instaura une monarchie "panchayat" le 15 décembre 1960. Véritable systàme absolutiste, la monarchie panchayat interdisait toute forme de parti politique dans le pays, obligeant les acteurs politiques népalais à s'exiler en Inde ou à prendre le maquis.
En 1990, le peuple népalais eut raison de cette monarchie absolue : sous l'impulsion des partis politiques rebelles, il descendit en masse dans les rues de Katmandou et parvint à rétablir la démocratie dans le pays. Une nouvelle Constitution fut votée et les premiàres élections parlementaires depuis 1959 se tinrent en 1991. Malheureusement, cette Constitution porte en elle les germes qui contribueront à faire naître la rébellion maoïste car en faisant du Népal un royaume hindou, elle mit sur la touche toutes les minorités ethniques et religieuses. Par ailleurs, la population népalaise s'aperçut rapidement que les partis politiques s'inquiétaient davantage de l'accroissement de leur pouvoir personnel que du développement du Népal. Ces deux facteurs, auxquels on peut également ajouter celui de la corruption latente dans l'ensemble de l'administration, furent le terreau sur lequel crût la rébellion maoÏste.
Le 13 février 1996, le Communist Party of Nepal (Maoist) dirigé par Prachanda et Baburam Bhattarai, lança une guerre populaire contre le gouvernement népalais. Parmi les 40 revendications qu'il fit parvenir au gouvernement, trois sont particulièrement importantes è retenir car ce sont elles qui seront le pilier de toutes les futures négociations qui auront lieu entre les rebelles et le gouvernement : la mise en place d'un gouvernement intérimaire ; la préparation d'élections pour une assemblée constituante ; enfin, la suppression de la monarchie et la proclamation d'une République.
Les débuts de l'insurrection furent relativement modestes (nous insistons sur le terme "relativement" car cette première période eut son lot de morts) mais le massacre de la famille royale le 1er juin 2001 bouleversa la donne. Le roi Gyanendra, qui succéda à son frère Birendra, fit prendre au conflit une tournure beaucoup plus radicale : en faisant intervenir l'armée et en proclamant l'état d'urgence, le conflit devint progressivement une véritable guerre civile, entraînant un peu plus de 13000 victimes.
En juin 2006, un mouvement populaire orchestré par les sept principaux partis politiques et le Parti maoïste, mit fin au gouvernement absolu imposé par Gyanendra depuis le 1er février 2005. Des accords de paix purent alors être signés entre les rebelles maoïstes et les représentants des principaux partis politiques, mettant ainsi fin, du moins pour le moment, à dix années de guerre civile.
Benoît Cailmail
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Adrien Carpentier, photographe
Adrien Carpentier est un faux sérieux. Ce Parisien de 27 ans aux chemises rayées s'envole pour l'Inde en septembre 2005. Après un parcours académique sans faute (ingénieur en aéronautique, Sciences-Po), il trouve un poste à l'ambassade de France à Delhi. Il découvre un pays saturé de contradictions qu'il photographie avec jubilation et ironie pendant près d'un an. De l'Inde, il ne retient pas la foule et les couleurs, si souvent immortalisées sur pellicule. Son objectif à lui traque la géométrie des lignes et le détail insolite. Son regard désosse des paysages urbains parfois au bord de l'apocalypse. Il laisse la structure émerger du désordre apparent. Le jeune photographe réalise d'ailleurs l'essentiel de ses clichés lors d'un trajet chaotique Delhi-Bombay au volant d'une vieille Ambassador.
Pas de retouches, des lumières naturelles, un bon Nikon, le secret d'Adrien, c'est le cadre. Celui qui laisse la priorité au sujet. Son enfance aux côtés d'une mère peintre et d'un père photographe a sans doute formé son oeil. Même si sa préférence va longtemps aux sciences plus qu'aux arts plastiques. La technologie le fascine. Lui-même se qualifie de geek sur son blog moqueur rédigé en Inde. Pendant ses longues années d'études, Adrien a aussi officié en tant que chauffeur, essayeur de gadgets pour un chroniqueur de télévision ou consultant en audiovisuel. Après d'autres séries sur le Japon, la Finlande et la Turquie, il repart au Népal en mai 2007 pour photographier les dissidents maoïstes. Il y a des aspérités sous les liquettes striées.
Sophie Collet
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Benoît Cailmail, historien
C'est lors d'un séjour de près de trois ans au Népal, entre 1989 et 1991, que Benoît Cailmail a découvert pour la première fois ce pays, une expérience qui l'a profondément marqué. C'est donc tout naturellement qu'il choisit pour sujet de maîtrise d'histoire le retour de la démocratie dans le royaume hindou en 1990. Il soutient sa maîtrise à l'Université Lumière - Lyon II en juin 2003.
Il poursuit ses recherches en DEA, puis en thèse, à l'école doctorale d'histoire de la Sorbonne (Paris I). Ses recherches portent sur la rébellion maoïste au Népal qui a débuté en février 1996, et plus particulièrement sur la construction du mouvement maoïste au Népal. Il tente d'établir ainsi une histoire du communisme à inspiration chinoise au Népal. Pour ce faire, il se rend régulièrement sur le terrain pour y recueillir les témoignages de vétérans communistes népalais. Son étude de terrain se situe essentiellement dans le district du Pyuthan, un district très isolé et très politisé, situé à 400 kilomètres environ à l'ouest de Katmandou.
Membre de l'Association Jeunes Etudes Indiennes, qui a pour but de rapprocher les chercheurs en études indiennes afin qu'ils puissent monter des projets communs, il est également associé au CNRS avec lequel il participe à l'élaboration d'un ouvrage sur le maoïsme népalais prévu pour l'été 2009.
Benoît enseigne aussi les techniques documentaires à l'Université Paris I.
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